Ma vie dans les bois, le retour aux sources d’un mangaka urbain

Nom du manga : Ma vie dans les bois

Auteur : Shin Morimura

Genres : Comédie/autobiographies/écologie

Nombre de tome : En cours, 7 tomes au Japon, 3 tomes en France

Nombres de pages : environ 150 par tome

Année de parution : Jp 2015, Fr 2017

Editeur : Akata 

 

L’histoire

Shin Morimura est un mangaka qui vit dans une grande ville japonaise. Il fait ce métier depuis trente ans et arrivant au bout d’une série fleuve, il doute sur ses capacités et est en manque d’inspiration lorsque son éditeur lui demande de trouver une idée originale pour son prochain manga. Las de la vie citadine, il décide d’acheter une parcelle de terrain à la montagne et d’y vivre. Le seul hic c’est qu’il veut tout construire à la force de ses mains. Sa femme est, bien entendu, contre ce projet mais lui n’a qu’une idée en tête, il veut vivre loin de la civilisation. Il défrichera son terrain, il construira sa maison passive en bois se permettant le luxe d’y ajouter un petit sauna. Mêlé d’humour, de didactique et de passion, cette autobiographie révèle beaucoup de surprises.

La rupture avec  son environnement

Au début du manga c’est expliqué assez rapidement, pourquoi Morimura décide de changer de vie ? Pour lui c’est simple, on leur vend une vie de consommation ou la technologie est omniprésente. Tout doit être accessible immédiatement moyennant de l’argent. L’auteur est persuadé que c’est faux et qu’il est possible de s’épanouir sans cette consommation à outrance, sans cette dépendance à la « possession » dont il est lui-même prisonnier. Voilà pourquoi il décide de repartir de zéro avec comme seule richesse son corps et une vie dans les bois, c’est ce qu’il veut. On sent un auteur en souffrance psychologique dans ses explications, au-delà du fait qu’il soit auteur de manga, certainement beaucoup de citoyens doivent être dans le même cas que lui, un trop plein de frustration lié à la vie en ville, métro boulot dodo comme on dit. Le burn out est le signe ultime d’une accumulation de ces frustrations, accepter des situations qui ne nous conviennent plus ou pas. Voilà ce que l’auteur a voulu faire avec sa vie.

Un caprice ? Crise de la quarantaine ?

Quand Morimura expose à sa femme son projet elle est emballée par l’idée, elle lui dit « super idée pour ton nouveau manga! » Mais quand il lui dit qu’il parle de sa vie, de leur vie, sa femme se décompose et lui explique clairement qu’il est impossible pour elle d’aller, je cite « chier dans la montagne comme les singes! ». Elle est persuadée que ce n’est qu’une lubie qui passera donc elle accepte de l’accompagner à la recherche de l’emplacement idéal. Quand le terrain est trouvé elle refuse d’y habiter et lui seul y passe un temps fou, elle lui met des impératifs lorsque la maison est terminée après des mois de travail acharné, ce qui l’oblige à reconstruire une autre maison mieux équipée pour qu’elle puisse avoir le minimum de confort. Ce n’est donc pas un caprice que son mari est en train de faire mais un véritable changement de vie, et il l’entraîne avec lui. Elle en prend conscience et accepte malgré certaines réticences et avec quelques conditions de l’accompagner dans les bois.

L’apprentissage de la vie dans les bois

Voilà un des points forts de la série, l’apprentissage de Morimura, finement détaillées, toutes les phases de son apprentissage et de ses tentatives sont des plus intéressantes. Entre l’idée originale et la fin d’une construction, il y a souvent des imprévus et malgré la préparation extrême de l’auteur qui se renseigne parfaitement pour abattre le travail, il y a toujours des éléments inconnus qui viennent lui mettre des bâtons dans les roues. Ce principe de réalité si dur si éprouvant pour l’auteur, il sait nous le raconter ! Notamment lorsqu’il évoque le temps que lui prends certaines entreprises (défricher le terrain par exemple). L’auteur nous donne donc des leçons expliquées et illustrées dans ce manga, c’est presque un mode d’emploi pour habiter dans les bois. Il aborde les prix des matériaux nécessaires, comment il fait de l’argent pour financer des projets, pour ça il crée un manga. Celui que je suis en train de vous présenter, cette idée parait banale, mais en fait elle est géniale. Il se sert de ce qu’il sait faire de mieux, faire un manga en racontant sa vie actuelle pour financer sa vie future, la boucle est presque bouclée !

J’ai parlé des constructions mais dans les tomes qui suivent l’auteur évoque également la vie en autosuffisance dans les bois. Cela passe par le moyen de se chauffer, à la culture des légumes, en passant par la cueillette sauvage des herbes et champignons, sans oublier les petits plus avec un fumoir pour conserver et modifier les aliments ou le sauna pour recevoir l’équipe de sa maison d’édition. Tout est super détaillé et raconté avec humour ! La naïveté et les idées de grandeur de l’auteur sont hilarantes, rattrapé par la nature et la difficulté de certains projets il arrive à nous transmettre son désespoir mais aussi sa ténacité car il arrive toujours au bout de ce qu’il veut faire. Il sait mettre l’accent sur le plaisir, la fierté, la joie et la qualité des produits cultivés soi-même. Les goûts sont incomparables, la fierté du cultivateur qui a fait son propres engrais (au détriment de l’honneur de sa femme), à chaque fois qu’ils testent une nouveauté, ils sont emplis d’un sentiment qu’ils arrivent à nous faire partager, on en serait presque envieux !

 

Pour finir, je ferai un parallèle avec une situation qui a tendance à arriver en France également. Peut-être moins dans l’excès mais de plus en plus de cadres se reconvertissent dans des métiers manuels, des métiers liés à l’artisanat ou la culture. Certainement épuisés par un model de vie insatisfaisant et frustrant, ils reviennent vers des valeurs plus simples ou l’argent a une moindre importance et surtout ou leur travail est valorisée. Ces personnes qui décident de changer de vie ont besoin de se réaliser dans leur nouvelle vie, elles ont besoin de retrouver du sens dans leur profession et souvent cela passe par un métier d’artisanat ou de culture. Je fais ce parallèle car il est évident que l’auteur est passé par là et que son manga est un témoignage et un message pour ces personnes qui ont de moins en moins l’envie de continuer dans une mauvaise voie. Je conseille donc ce Ma vie dans les bois pour plusieurs raison, déjà il est drôle, l’humour fait mouche. Lorsqu’on le lit il y a une certaine atmosphère qui se dégage de la lecture, c’est agréable à lire, on aurait presque envie d’être à sa place !  Et puis on apprend plein de chose et ça c’est cool !

L’Otaku Poitevin

2 réflexions au sujet de « Ma vie dans les bois, le retour aux sources d’un mangaka urbain »

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