Vagabond [critique]

Titre original : Vagabondvagabond takehiko inoue tonkam samourai miyamoto musashi

Auteur : Inoue Takehiko

Editeur : Tonkam

Année de parution : 1999

Nombre de tome : 37 en cours

Cible éditoriale : Seinen

Genres : Samouraï, historique, philosophique, psychologique

 

 

Sur l’auteur :

takehiko inoue photoTakehiko Inoue né en 1967, passionné de basket depuis toujours puis de dessin, il devient l’assistant de Tsukasa Hojo (City Hunter, Cat’s Eyes…). Il gagne le prix Tezuka du jeune mangaka le plus prometteur. Créateur du célèbre manga slam dunk, il se permet le luxe de racheter les droits de la série animée. Après, il devient avant-gardiste avec la publication d’une oeuvre sur internet, on est en 1997 avec Buzzer beater. Il créa par la suite REAL (critique sur le site), qu’il publie très lentement et vagabond. Grand auteur reconnu ses œuvres sont attendues et appréciées de tous.

L’histoire :

Vagabond nous plonge dans un Japon féodal où le sabre estvagabond takehiko inoue tonkam samourai miyamoto musashi un moyen de gagner sa vie presque comme les autres. Nous sommes dans une partie de l’histoire où beaucoup de chose se sont joués pour le Japon. La période se situe au départ aux alentours de la grande bataille de Sekigahara (1600) et nos protagonistes sont Takezo et Matahachi, deux jeunes venant du village de Miyamoto. Nous suivrons dans ce manga tour à tour l’un puis l’autre. D’autres personnages se rajouteront au fil de ces 37 tomes mais je n’en évoquerai qu’un voir deux. Tout d’abord Takezo devient après cette bataille un rônin (samouraï rattaché à aucun seigneur). Au fil des combats qui rythment sa vie bestiale, il choisit de se faire appeler Musashi Miyamoto (à priori Takezo pourrait également se lire Musashi). Son but est de gagner combats après combats, il veut être le plus fort peu importe la manière. En parallèle, Matahachi essaie de se faire un nom mais il vit au crochet de sa « compagne » et ne pense plus qu’à boire plutôt qu’à travailler. Les destins de tous les personnages seront isolés mais également croisés car ils se retrouveront à plusieurs reprises dans des lieux et à des périodes différentes.

Critique :

vagabond takehiko inoue tonkam samourai miyamoto musashiTout d’abord il faut préciser que Vagabond est une libre interprétation d’un roman de Eiji Yoshikawa « la pierre et le sabre » traitant l’histoire du célèbre épéiste Musashi Miyamoto. Ce manga est toujours en cours soit presque seize ans après le début de sa parution et les nouveaux chapitres se font souvent attendre, malgré cela l’attente est toujours récompensée par une qualité omniprésente et infaillible.

Les personnages présents dans le manga sont nombreux, néanmoins ils sont tous traités de manière équivalente, c’est à dire avec soin et application. Tant sur le plan artistique que psychologique, Takehiko Inoue les travaille en profondeur avec une attention particulière sur leur façon de penser, d’agir et sur leur représentation sur le papier qui est, comme à chaque fois avec le maître, très réussi. Parlons de notre « héro » Takezo l’impétueux, le charisme du personnage saute aux yeux, l’agressivité et la puissance qui émane de ce jeune homme (17 ans au début de l’histoire) est juste exceptionnelle. Aussi puissant et fort qu’il soit il n’en reste qu’un homme, avec ses faiblesses et c’est intéressant de voir que l’auteur n’a pas vouluvagabond takehiko inoue tonkam samourai miyamoto musashi le représenter surpuissant, sur de son art et de sa voie. Au contraire cet autodidacte du métal ressent vite ses limites quant à sa manière de faire pour arriver en haut de la hiérarchie, c’est à dire qu’il tranche sans état d’âme, il affronte et provoque des samouraïs de renom pour arriver à son but. Tant de morts n’est pas sans jouer sur le psychisme de Musashi qui arrive vite à se faire un nom, mais la pensée de laisser tant de famille sans patriarche commence à le hanter et au final il en vient à penser « qu’est-ce qu’être fort ? « 

Matahachi quand à lui, voulait aussi se faire un nom mais a eu une attitude plus lâche, plus humaine lors de certains combats. Il a eu peur, il a donc abandonné Takezo en pleine rixe avec des brigands pour s’enfuir avec une femme. Takezo le croyait mort et fût surpris de le revoir quelques années plus tard. Matahachi s’en est toujours voulu d’avoir agi de la sorte, mais n’a pas pu contenir sa véritable nature qui n’est pas celle d’un guerrier. Il a donc essayé de se faire un nom via des procédés peu scrupuleux voire malhonnêtes.

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Sasaki Kojiro

Je ne peux pas parler de Vagabond sans mentionner le nom de Sasaki Kojiro, je sais que ça spoil un peu l’histoire mais il est nécessaire de l’évoquer. Ce jeune sabreur, grand, au visage enfantin souriant, sourd et muet. Ce dernier aspect est l’élément qui construira son caractère avec la mer, car c’est un homme de la mer. Son style « le ganryu » est un style qu’il s’est fabriqué en s’entraînant seul les pieds dans l’eau et en affrontant son père adoptif. Il voulait recevoir son enseignement mais son père refusait catégoriquement, mais lui apprit tout ce qu’il savait involontairement. Kojiro est d’un naturel aimable et joueur mais ne refuse jamais une passe d’arme lorsque l’adversaire est à la hauteur, s’il ne l’est pas il l’ignorera. Il devient ami/rival de Musashi lors d’une rencontre fortuite dans une auberge. Leurs destins sont liés par le sabre.

Le questionnement intérieur :

vagabond takehiko inoue tonkam samourai miyamoto musashiTout au long de l’œuvre, presque tous les personnages importants s’y soumettent, peu importe leur âge, leur sexe ou leur statut social. Le cadet des Yoshioka se torture l’esprit sans cesse quant à sa responsabilité au sein de l’école et dans son rapport avec son frère. L’amour, qui est un éternel sujet de questionnement, est aussi présent. Le sabre et les sentiments semblent incompatibles, enfin c’est ce que pensent Musashi et Otsu (jeune femme venue du même village que Musashi et Matahachi) de même. Arrivé au sommet ou presque, les gens se demandent après quoi ils courent ? Ils se sentent enfermés dans une spirale de violences dans laquelle les nouveaux venus veulent se faire un nom et sont prêts à sacrifier leur vie pour ça. Avoir un nom ? Est-ce important ? vagabond takehiko inoue tonkam samourai miyamoto musashiEtre fort, qu’est-ce ? Les plus anciens dans le manga le diront assez tôt, les mots ne sont que des mots et la puissance, la véritable force ne semble pas être ce que Musashi et d’autres cherchent désespérément. Cette quête psychologique et philosophique est intéressante et est toujours d’actualité, mais avec d’autres problématiques. Il est évident que de nos jours nos enjeux de vie ne sont pas réglés par le sabre !

Tout le long des aventures de Musashi, on peut voir que son rapport avec le fait d’ôter la vie change, au début il était sanguinaire et tranchait presque tout qui passait trop près de lui. Mais au fil des combats et des cauchemars il prend conscience du mal engendré par ces décès, les enfants pleurant de faim, les femmes pleurant leurs maris défunts. D’une seule mort peut en découler plusieurs. La vie commence à prendre de la valeur pour lui.

La dualité :

vagabond takehiko inoue tonkam samourai miyamoto musashiComme dans beaucoup de manga le héros a un rival, il va s’entraîner pour être meilleurs que lui et va l’affronter. Et bien ce n’est pas tout à fait ça ! Il y a effectivement un rapport duel avec Musashi mais pas avec un seul adversaire. Il veut battre les meilleurs, il va donc les provoquer les uns après les autres, mais il n’a pas forcément accès à eux directement. Il doit faire ses preuves, mais les sous fifres sont incompétents face à lui. Il connaîtra la défaite, la peur, l’humiliation même. Mais aussi la victoire et la renommée qui va avec et les inconvénients qui en découlent, les jeunes loups assoiffés de succès. Ce qui est intéressant dans ces rapports duels tout au long de Vagabond, c’est que tout le monde a son alter ego ou antagoniste qui crée ce rapport duel.vagabond takehiko inoue tonkam samourai miyamoto musashi Matahachi ne peut s’empêcher de se comparer à Takezo qui gravit marche après marche alors que lui s’embourbe dans sa vie misérable. Denshichiro Yochioka le frère cadet qui s’est lancé dans un entrainement dur et laborieux tel un sacerdoce dans le seul but de rattraper son frère, le plus talentueux et moins vertueux des deux frères Seijuro. Musashi, qui depuis sa rencontre avec Kojiro ne cesse de penser à lui. Il essaie de se mettre dans sa peau, dans ce silence qui caractérise Sasaki et qui, selon Musashi, est la source de sa force. Tous ces rapports forts les uns aux autres forment des couples, après on a nos petits préférés, on n’aimerait pas qu’ils s’affrontent ou au contraire on attend que ça. C’est aussi ça la force de Vagabond !

Vagabond, un art graphique à part entière :

vagabond takehiko inoue tonkam samourai miyamoto musashiDepuis Slam Dunk et Buzzer Beater Takehiko Inoue a fait beaucoup de chemin, graphiquement parlant. Son style d’aujourd’hui est d’une beauté rare, les techniques diffèrent d’une planche à l’autre. Un coup il utilise la plume dans un style plus classique, une autre fois il optera pour une peinture genre « pastelle » avec des planches très douce et bien nuancées. Des fois on a le droit à un coup de pinceau comme s’il s’agissait d’une calligraphie. Là, je vous avoue que c’est mon style préféré, c’est puissant, beau, ça a un impact dans la lecture du manga. Je rêverai d’avoir les originaux à la maison mais c’est un autre sujet ! Ce qui est sûr c’est qu’à chaque tome, à chaque chapitre, voire à chaque page on a des décors sublimes, des visages pleins de détails et les émotions sont fortes ! Le dynamisme des scènes de combats est exceptionnel, le sang gicle, les membres tombent, les beaux sourires laissent place à des faciès douloureux. Le combat est dur et Takehiko Inoue nous le dit à travers ses planches.

Pour conclure, je vous récapitule la recette. Une pincée de romance, une grosse partie de dessins qui tuent tout, des personnages ultra attachant et ultra badasses, à ça ajouter un soupçon d’histoire vraie et une grosse poignée de combats sanglant et vous avez un cocktail nommé Vagabond. Maintenant je vous enverrai simplement chez votre libraire pour vous laisser goûter ce breuvage, prenez un tome de Vagabond et kiffez la vibe avec Musashi et autre Sasaki ! En vous souhaitant bonne lecture !

vagabond takehiko inoue tonkam samourai miyamoto musashi

le démon

 

L’otaku poitevin

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2 réflexions au sujet de « Vagabond [critique] »

  1. Très bonne critique, très longue. On s’y est essayé aussi avec moins de contenu. Je suis d’accord qu’il y a beaucoup de personnages intéressants mais je ne trouve pas que l’histoire soit décentré de Musashi Miyamoto. Sinon Otsu, l’histoire parallèle de Matahachi est souvent traité entre guillemet. En tous cas on est d’accord sur le fait que ce soit un chef d’oeuvre.

    • On peut appréhender l’histoire de plusieurs manières, mais le fait que l’auteur choisisse de développer d’autres personnages est une bonne idée et de ce fait décentre un peu le récit, pour mieux y revenir.
      Merci pour votre lecture 😉

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